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  • Photo du rédacteurclaire.daull

La goutte d'eau qui a fait déborder mon vase numérique.



Un type qui se fait bouffer la main par un lion à travers des barreaux. Telle a été l'image qui a déclenché ma nausée virtuelle. 

Comment ai-je pu en arriver là? Comment tout doucement, j'ai glissé dans ce non-sens ? Comment j'ai pu accepter de donner des heures de vie sans sourciller aux Gafam.és de mes données ? Comment ai-je pu tomber dans le panneau et suivre des yeux le monde qui se déroule non stop sur la toile au dépend de mon sommeil et de ma santé mentale et psychique? Car oui, clairement je me sens souillée d'avoir consenti à observer la lie de l'humanité. Car avant cette horreur, ce moment réel posté comme une mauvaise blague il y eut ces bimbos aux fessiers rebondis, ces photos avant/après je ne sais quel hypothétique régime protéiné à effet garanti. Ces gens qui se vautrent au sens premier comme au figuré dans leur médiocrité. Ces coachs qui savent ce qu'il te faut pour réussir ta vie.

Et si tu ne cliques pas, là tout de suite, tu es un looser et tu resteras parmi les suiveurs.

Il y a aussi les penseurs positifs qui chaque jour t'affirment que tu as de la valeur, que tu es le meilleur. Surtout ne change rien, ajoute juste un petit cœur. Donne-moi de l'amour et ta valeur (marchande, c'est encore mieux). Il y a tous ces gens si parfaits qui font des choses extraordinaires, qui goûtent la vie avec leurs amis et qui te donnent les miettes à picorer. Et puis il y a les râleurs, les "haters", les carrément méchants, jamais contents. Ça tire sur tout ce qui bouge avec rage. Crache ton venin l'animal. Crée du buzz, prouve que tu existes, prend ta part, rentre dans le lard. Mais tu n'existerais pas si moi je n'étais pas là pour prendre en pleine face tes allusions dégueulasses. Alors stop, basta, je coupe le cathéter qui me délivre ma dose de morphine/amphétamine/anxiolytique, c'est selon.

J'ose m'ennuyer dans les transports en commun ou dans une salle d'attente. J'apprends à regarder la vie, la vraie. Désintoxication nécessaire pour retrouver la maîtrise de ses émotions. Avoir le choix, être proactif. Décider délibérément de ce que je mets sous mes yeux ou dans mes oreilles et à quelle dose.

Accepter de ne pas tout voir, ni tout savoir.

Passer à côté. Ne pas être au courant, ne surfer sur aucune vague. Se mettre hors d'atteinte, c'est être "out". Accepter de ne pas avoir d'avis sur tout, de ne rien avoir à confier à l'humanité quotidiennement. Ne plus être vu ni entendu, disparaître virtuellement : la petite mort de l'anonymat. Arrêter d'ingurgiter l'insipide. Laisser la place au vide. Lâcher le flux continu pour atteindre le flow. Paradoxe ultime: poster tout ça sur les réseaux sociaux parce qu'à part les signaux de fumée ou le spectacle de rue, on n'a pas trouvé mieux pour "dire groupé".

Un sage diction populaire avance que "Je suis ce que je mange".

À l'heure du numérique on peut ajouter "Je suis ce que j'absorbe" par tous mes sens et à tout moment. Je suis une éponge protéiforme. Je m'imbibe de substances plus ou moins toxiques et quand je suis gorgée de saletés, je finis par recracher, rincée.

Aujourd'hui je décide solennellement de choisir avec soin mes ingrédients pour une recette aux petits oignons. Celle qui fera de moi une belle personne saine de corps et d'esprit. Loin des virus virtuels, je m'engage à ne plus remplir mon cerveau de "calories médiatiques" vides de sens et autres sucreries émotionnelles, ersatz des sens et freins à ma propre créativité.

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